L’Afrique est pleine de brillantes possibilités. Mais elles ne sont pas toujours ouvertes à tous. Les possibilités qu’ont les femmes de contribuer à l’économie africaine sont intrinsèquement liées à leur lieu de naissance et à l’endroit où elles atteignent l’âge adulte. Tant qu’il y aura des disparités en matière d’éducation et de possibilités, ce sera toujours le cas. C’est ce qui nous pénalise tous. Pourtant, le monde des affaires peut, et doit, contribuer à combler ce fossé.
La géographie du genre est difficile et complexe. Le dernier indice MasterCard des femmes entrepreneurs (MIWE), qui suit la capacité des femmes entrepreneurs à tirer parti des opportunités offertes par diverses conditions de soutien dans leur environnement local, souligne l’importance de la géographie dans l’entrepreneuriat féminin. Sans surprise, le MIWE a montré que les économies avancées à revenu élevé, avec des marchés ouverts et dynamiques qui soutiennent les PME et la facilité de faire des affaires, offrent des conditions très favorables et habilitantes pour soutenir les femmes chefs d’entreprise.
Bien que le soutien disponible sur les marchés ouverts soit un indicateur déterminant de succès, l’indice a également révélé qu’il n’est pas le seul élément à prendre en compte. Malgré des conditions traditionnellement moins favorables, cinq des huit pays africains évalués dans l’Indice se sont classés dans les 10 premiers marchés, sur les 58 mesurés, en termes de pourcentage de femmes propriétaires d’entreprises par rapport à l’ensemble des propriétaires d’entreprises. L’Ouganda, le Ghana et le Botswana ont le pourcentage le plus élevé de femmes propriétaires d’entreprises dans le monde, représentant respectivement 38, 2 %, 37, 9 % et 36 %.
La nécessité fondamentale de fournir un revenu s’est combinée à des conditions socio-économiques légèrement plus favorables – telles qu’une parité raisonnable entre les sexes en matière de niveau d’éducation et de statut des femmes – ce qui fait que ces économies moins développées surpassent celles de pays développées.
Dépasser les frontières
Le monde est désormais plus connecté, avec des organisations qui transcendent les frontières internationales. Nos valeurs culturelles ont la possibilité de franchir les frontières, les divisions politiques et les disparités en matière de développement ; nous devons utiliser cette position pour défendre les femmes africaines. Il y a d’énormes avantages à embaucher les femmes. Selon « Women Matter Africa », un rapport de McKinsey & Company, les entreprises dont les équipes de direction sont composées de femmes ont 20 % de chances supplémentaires de connaître une rentabilité supérieure à la moyenne. Les femmes représentent également la base de consommateurs la plus importante – 89 % des femmes africaines sont les décideurs ou codécideurs des dépenses de ménage, selon l’indice IPSOS des femmes. Le fait d’avoir plus de personnes au sommet qui comprennent intrinsèquement leur public cible ne peut qu’être sain pour les affaires. Il est donc temps que le développement des femmes soit considéré comme une priorité dans les objectifs commerciaux et devienne une mesure de réussite.
La responsabilité de défendre les femmes au travail profite non seulement aux marges bénéficiaires, mais aussi au développement des femmes, des institutions et des sociétés dans le monde entier. Là où les femmes travaillent, les économies se développent.
Trois voies de changement
Comme le montrent les Objectifs de Développement Durable, la création d’une culture appropriée pour ouvrir des possibilités aux femmes nécessite des approches directes et indirectes. Il existe trois canaux par lesquels les organisations peuvent influer sur le changement :
1. L’éducation. Les femmes sont encore largement sous-représentées dans l’enseignement des sciences, de la technologie et des mathématiques (STEM), dans les conseils administration et dans les postes de direction des entreprises, en particulier dans le secteur technologique. Les initiatives d’éducation menées par les entreprises jouent un rôle-clé dans la lutte contre ce problème. Le programme STEM Girls4Tech de MasterCard vise à inciter les filles âgées de huit à douze ans à apprécier les matières STEM et à poursuivre leur apprentissage. Après avoir touché 400 000 filles dans 25 pays, nous sommes maintenant en passe d’atteindre le million d’ici 2025. Dans les pays en développement, une fille sur quatre n’est pas scolarisée. L’incapacité des tuteurs à payer les frais d’éducation est l’une des principales raisons pour lesquelles les enfants manquent l’école ou ne peuvent pas du tout y aller. Ce problème touche particulièrement les filles, qui sont plus souvent retirées de l’école que les garçons.
Pour y remédier, MasterCard, en partenariat avec l’UNICEF Ouganda et le ministère de l’Education ougandais, a lancé Kupaa, une plateforme numérique qui relève le défi du paiement des frais de scolarité en permettant aux personnes qui s’occupent des enfants de payer de petites sommes au fil du temps et à plusieurs personnes de contribuer financièrement à l’éducation de l’enfant. Cela permet de supprimer deux obstacles essentiels : les coûts directs, qui sont les frais de scolarité élevés, et les coûts indirects, tels que le temps et les frais de déplacement pour effectuer les paiements. Comme le montrent les recherches, chaque année de scolarisation que compte un enfant augmente son potentiel de gain de huit à dix pour cent – et même plus pour les filles. Une telle solution pourrait contribuer à changer la trajectoire économique d’un quart de million de personnes. Et le compte pourrait ne pas s’arrêter là.
2. L’autonomisation. L’éducation n’est que la première étape. Nous devons faire entrer davantage de femmes sur le marché du travail et leur donner ensuite les moyens de s’épanouir. Mais notre étude MIWE a montré que dans de nombreux pays, il y a une nette déconnexion entre l’éducation et l’accès aux finances, et la capacité des femmes à s’épanouir dans les entreprises de leur économie d’origine. Par exemple, l’Afrique du Sud présente un pourcentage élevé de capital de connaissances et d’accès financier des femmes par rapport aux autres pays africains inclus dans MIWE. Pourtant, le taux de propriétaires d’entreprises est plus faible qu’ailleurs – les femmes ne représentent que 21,5 % des propriétaires d’entreprises. L’intégration et le maintien des femmes dans l’écosystème des entreprises peuvent en partie être réalisés grâce à la responsabilisation. Des personnalités de haut rang doivent défendre les femmes dans leurs organisations et créer des modèles pour la prochaine génération. Cela ne peut se faire qu’en liant plus étroitement les objectifs de gestion à l’inclusion, de manière à donner la priorité à la diversité, tout en veillant à ce que chacun soit responsable de sa réalisation.
3. L’égalité. Les entreprises doivent se poser trois questions en matière d’égalité des sexes : 1) Que pouvons-nous faire pour les gens ? 2) Que pouvons-nous faire pour les marchés ? Et 3) Que pouvons-nous faire pour la société ? Pour nous, le point de départ a été de créer un précédent dans le monde en matière de congé parental, tant pour les hommes que pour les femmes. Quatre-vingt pour cent des hommes en entreprise prennent leurs congés de paternité, ce qui nous aide à développer un environnement de partage. C’est une tendance qui commence à se généraliser dans les entreprises, comme Hewlett Packard Enterprise qui a récemment annoncé que tous les nouveaux parents bénéficieront de 26 semaines de congés payés pour rétablir l’équilibre entre les congés de maternité et les congés de paternité, tout en veillant à ce que les partenaires de même sexe ne soient pas laissés pour compte. La progression vers un salaire égal pour un travail égal est un autre moteur de la croissance inclusive, nos employées gagnant un dollar pour chaque dollar gagné par les hommes. Bien que ces initiatives aient commencé au niveau de la direction, elles se terminent toutes par nos employés, leurs expériences vécues et la culture du lieu de travail.
Au-delà des affaires
La réussite d’une femme est fondamentalement liée à la société et aux conditions économiques dans lesquelles elle vit. Et un monde qui fonctionne mieux pour les femmes crée des possibilités illimitées pour nous tous. En tant que communauté, le monde des affaires est bien conscient de son pouvoir d’influence.
Pour exercer ce pouvoir de manière responsable, nous devons aller dans une direction différente afin d’impliquer toutes les parties prenantes dans une valeur partagée et durable. Ce faisant, nous pouvons créer un changement culturel important. C’est possible et nécessaire si nous voulons surmonter la géographie du genre.
Par Ann Cairns, vice-Présidente exécutive, MasterCard